« Arrêtez les rotatives »

Publié le par franzestedecitron

PRESSE . Les journaux américains traversent une crise sans précédent.

« Arrêtez les rotatives », titrait, vendredi, le quotidien américain de Denver, Rocky Mountain News, fondé il y a cent cinquante ans. « C’est avec une grande tristesse que nous vous disons au revoir aujourd’hui », indiquait le titre du journal dans un éditorial adressé aux lecteurs. Ainsi va la presse américaine (1 500 quotidiens, 56 millions d’exemplaires). Très mal, au point que – fait quasiment unique, à part en 1945 – la société américaine des éditeurs de la presse écrite (American Society of Newspaper Editors, ASNE) a annoncé, ce même vendredi, qu’elle annulait son congrès annuel 2009 en raison « des temps difficiles qu’affrontent nos membres ». Ce congrès était prévu à Chicago du 26 au 29 avril. La direction de l’ASNE « est arrivée à la conclusion que les problèmes auxquels les éditeurs de la presse écrite sont confrontés réclament leur entière attention  », a expliqué sa présidente, Charlotte Hall. « Le congrès aurait été une occasion d’apprendre des choses utiles, mais la principale priorité est de diriger nos salles de presse et de dessiner l’avenir du secteur », a-t-elle expliqué, soulignant qu’il s’agissait d’« une période particulièrement tendue pour notre secteur, qui affronte à la fois des changements structurels et une profonde récession ». Le quotidien de Denver (200 000 exemplaires), qui avait obtenu quatre fois le prix Pulitzer ces dix dernières années, est, en termes de lectorat, la plus importante publication américaine à mettre la clé sous la porte dans le contexte actuel de crise, qui entraîne un effondrement des recettes publicitaires pesant lourdement sur l’ensemble du secteur des médias. À la suite d’une perte de 16 millions de dollars sur 2008, il avait été mis en vente. Un seul repreneur s’était présenté, et son plan de redressement n’était pas viable, selon le Groupe E.W. Scripps, propriétaire du journal depuis 1926. Ce n’est pas un cas unique. Le Groupe Hearst Corp. a annoncé que le San Francisco Chronicle, principal quotidien de la métropole californienne (400 000 exemplaires), connaîtrait le même sort si le personnel ne donnait pas son accord à des réductions d’effectifs « importantes ». Hearst envisage aussi de fermer le Post-Intelligencer de Seattle (Washington, Nord-Ouest) s’il ne trouve pas un repreneur. Il y a une semaine, le Groupe Philadelphia Newspapers, qui possède le Philadelphia Inquirer et le Philadelphia Daily News, avait déposé son bilan après Tribune Co., qui possède le Los Angeles Times (900 000 exemplaires) et le Chicago Tribune (650 000 exemplaires), en décembre2008. En l’espace d’une semaine, deux groupes de presse, Journal Register et Philadelphia Newspapers, se sont placés sous la protection de la loi sur les faillites. Mercredi dernier, le premier groupe de presse américain, Gannett, propriétaire notamment du quotidien USA Today (2,3 millions d’exemplaires), a annoncé diviser par dix son dividende trimestriel pour rembourser ses dettes et assouplir ses marges de manoeuvre financières. La presse américaine a supprimé 20 000 emplois en 2008. En cause, la chute des recettes publicitaires en raison de la crise. Mais elle a aussi perdu 20 % de ses lecteurs en quinze ans.


Claude Baudry

L'Humanité 03/03/09

Publié dans presse4243

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